InspirÉ PAR christine


Maman Christine, centre, avec mes jumelles et ses enfants à l’orphelinat Chari Secours

Maman Christine, centre, avec mes jumelles et ses enfants à l’orphelinat Chari Secours

Maman Christine était l’incarnation de la bonté. C’est elle la première Mama Congo, l’originale Mama Africa.

Elle était pleine d’amour et avait un sens aigu de l’ingéniosité. Toujours en mouvement, elle était un tourbillon d’énergie et entraînait dans sa danse ceux qui avaient le bonheur de la rencontrer.

Maman Christine fut ma porte d’entrée dans ce pays irrésistiblement charmant et à la fois imprévisible.

J’ai l’ai aperçue pour la première fois par une chaude et humide matinée du mois d’août 2015, à travers le hublot du Beechcraft 1900 dans lequel je voyageais avec ma famille. C’était un vendredi. Elle était entourée d’un groupe de jeunes enfants. Ils commencèrent à chanter et danser à l’atterrissage de l’avion, ululant d’une manière inimitable. Ils étaient là pour accueillir une famille qui effectuait son deuxième séjour en R.D.C. et avec laquelle nous avions voyagé.

Alors que nous montions dans la voiture qui nous attendait, quelqu’un frappa à la vitre. 

C’était Christine: « Madame, me dit-elle avec révérence, vous êtes la famille que j’attendais. Vous avez des jumelles, vous allez avoir besoin d’aide. Laissez-moi travailler pour vous s’il vous plaît, dès lundi matin. »

Prise au dépourvu par la proposition de cette étrangère, j’accepté tout en lui précisant que je ferais passer des entretiens à d’autres femmes avant de confirmer l’embauche. 

« Vous verrez madame, me répondit-elle, une fois que j’aurai commencé à travailler pour vous, vous ne voudrez plus changer. »

Et elle avait raison. 

Christine était d’une vivacité rare. Mes filles tombèrent immédiatement sous son charme et ce fut réciproque. 

Nous apprîmes très vite que ce qui la poussait à travailler pour nous, c’était sa volonté de venir en aide à la vingtaine d’orphelins dont elle avait la charge à l’orphelinat Chari Secours. Parmi ces enfants, certains avaient perdu leur mère à la naissance et leur père n’avait pas souhaité les prendre en charge, d’autres avaient été abandonnés faute de moyens suffisants pour les élever, d’autres encore étaient considérés comme des “enfants sorciers” par leur famille qui, pour cette raison, les avait mis à la porte du foyer familial. Christine était, à toutes fins utiles, leur mère.

Elle dépensait la majeure partie de son salaire pour nourrir et vêtir ces enfants. L’état congolais ne soutient pas financièrement les orphelinats. Elle payait elle-même une aide pour veiller à ce que les enfants ne manquent de rien en son absence. La plupart du temps, elle ne se couchait que bien après que chaque enfant se soit endormi et était debout à quatre heures du matin, prête à affronter une nouvelle journée.

Malheureusement, comme c’est le cas pour bien trop de personnes en R.D.C., la vie de Christine a été fauchée prématurément. Elle est morte le 11 mars 2016, d’un accident vasculaire cérébral présumé.

Elle avait 38 ans.

Mama Congo n’est pas un simple hommage à Christine, c’est un projet qui s’inspire de sa force et de celle de toutes les autres femmes qui, en République Démocratique du Congo, travaillent sans relâche pour construire un monde meilleur.

Soraya Kishtwari